Introduction — Le monde du travail sans frontières, la mobilité internationale et le travail hybride pour les DRH
En quelques années, la mobilité internationale a profondément changé de visage.
L’expatriation longue durée, autrefois symbole de réussite professionnelle, cède désormais la place à une mosaïque de situations hybrides : collaborateurs en télétravail depuis l’étranger, missions de courte durée, “workations”, recrutements à distance…
Pour les directions des ressources humaines, cette mutation est à la fois une formidable opportunité d’attractivité et un défi opérationnel et réglementaire majeur.
Comment concilier flexibilité et conformité ? Comment maintenir la cohésion d’équipe quand les frontières physiques s’effacent ? Et surtout, comment redéfinir la mobilité internationale à l’heure où les modèles de travail se dématérialisent ?
Selon une étude Mercer 2024, près de 40 % des entreprises autorisent désormais une forme de travail à distance transfrontalier, et plus de 68 % des salariés se disent intéressés par une expérience professionnelle à l’étranger — sans pour autant vouloir “s’expatrier” au sens classique.
Un signal fort : la mobilité internationale ne disparaît pas, elle change de nature.
1. Le modèle de l’expatrié « col blanc » en mutation
Pendant des décennies, la mobilité internationale reposait sur un modèle bien établi : l’expatriation longue durée, assortie d’un package complet (logement, école, couverture santé, fiscalité, accompagnement du conjoint).
Ce dispositif, essentiel pour accompagner la croissance internationale, reste pertinent pour des missions stratégiques : ouverture de filiales, transfert de savoir-faire, pilotage de projets complexes.
Mais face à la mondialisation numérique, à la montée des coûts et à l’évolution des attentes des collaborateurs, ce modèle se diversifie.
Les entreprises privilégient désormais des formats plus souples : missions de courte durée, mobilités inter-filiales, contrats locaux ou affectations hybrides (mi-présentiel, mi-distanciel).
Ces formules répondent aux impératifs économiques, tout en offrant aux talents une plus grande autonomie dans la gestion de leur parcours professionnel et personnel.
« L’expatriation classique n’est pas morte, elle devient l’une des options d’un portefeuille beaucoup plus large de mobilités internationales. »
— Expert RH international
Ce glissement progressif ouvre la voie à une nouvelle génération de collaborateurs internationaux : les digital expats.

2. Le nouvel acteur : le “digital expat”
Les “digital expats” incarnent une forme de mobilité nouvelle : ils travaillent depuis l’étranger, parfois pour de longues périodes, sans être détachés ou expatriés au sens juridique du terme.
Ils conservent leur contrat initial, mais exercent leur activité depuis un autre pays, par choix personnel ou opportunité.
Cette tendance, stimulée par la généralisation du télétravail, bouleverse les pratiques RH.
Certaines entreprises ont adopté des politiques de “work from anywhere” ou autorisent leurs collaborateurs à travailler 30 à 60 jours par an depuis un autre pays.
D’autres expérimentent des mobilités transfrontalières permanentes, notamment dans les zones à forte intégration économique comme l’Union européenne.
Pour les DRH, cette évolution suscite de nouvelles questions :
-
Comment garantir la conformité juridique et fiscale ?
-
Quelles conditions de sécurité sociale et de santé appliquer ?
-
Comment préserver la cohésion d’équipe et la culture d’entreprise à distance ?
À retenir : le “digital expat” n’est pas un expatrié, mais il génère les mêmes enjeux de conformité, souvent sans le cadre légal formalisé qui protège habituellement ce type de mobilité.
Le casse-tête juridique et fiscal des nouvelles mobilités
La flexibilité a un prix : celui de la complexité.
Les DRH doivent désormais composer avec une multiplicité de régimes juridiques, fiscaux et sociaux, souvent inadaptés aux nouvelles formes de travail.
Les risques sont bien réels :
-
Double imposition du collaborateur ou de l’entreprise.
-
Affiliation erronée à un régime de sécurité sociale.
-
Création involontaire d’un “établissement stable” dans un autre pays, avec des conséquences fiscales lourdes.
Dans le même temps, plusieurs États cherchent à s’adapter.
Des “digital nomad visas” apparaissent en Europe, en Asie et en Amérique latine, permettant à certains salariés de résider temporairement à l’étranger tout en travaillant à distance pour leur employeur d’origine.
Pour accompagner ces transformations, les entreprises s’appuient de plus en plus sur des partenaires spécialisés en Global Mobility Compliance, des LegalTech RH ou des plateformes de gestion automatisée.
Certains grands groupes ont même mis en place des “zones vertes” : une liste de pays où le télétravail international est autorisé car jugé sûr, conforme et administrativement maîtrisable.
Cette approche préventive devient un levier stratégique : elle sécurise les mobilités tout en offrant aux collaborateurs la liberté qu’ils recherchent.
4. Une mobilité internationale plus durable et inclusive
Au-delà de la conformité, la mobilité internationale se transforme sous l’effet des engagements RSE et des attentes sociétales.
Les entreprises sont de plus en plus attentives à l’impact environnemental, social et humain de leurs politiques de mobilité.
-
Durabilité : certaines organisations intègrent désormais la mobilité dans leur bilan carbone RH. Elles privilégient des missions régionales plutôt que transcontinentales et compensent les déplacements nécessaires.
-
Inclusion : la diversité devient un critère clé dans les programmes de mobilité. Les entreprises cherchent à ouvrir l’accès à ces expériences à davantage de profils : femmes, jeunes talents, collaborateurs en situation de handicap.
-
Bien-être : accompagnement de la santé mentale, préparation interculturelle, soutien des familles… autant de leviers pour favoriser des mobilités épanouies et durables.
La mobilité internationale de demain sera donc plus sélective, mais aussi plus responsable : pensée pour répondre à des enjeux humains, économiques et écologiques à long terme.
5. DRH : architectes d’un monde du travail global
Face à ces défis, le rôle du DRH évolue en profondeur.
Il ne s’agit plus seulement de gérer des affectations à l’étranger, mais de concevoir une stratégie globale de mobilité, agile et intégrée aux enjeux business.
Le DRH devient en quelque sorte un “Chief Global Mobility Officer” :
-
garant de la conformité internationale,
-
promoteur de la culture d’entreprise au-delà des frontières,
-
facilitateur de l’expérience collaborateur mondiale.
Cela suppose de renforcer la collaboration entre RH, finances et direction juridique, mais aussi de s’appuyer sur la data RH internationale pour piloter les coûts, les risques et la performance.
Les entreprises les plus avancées intègrent la mobilité dans leur stratégie globale de gestion des talents : elles identifient les profils mobiles, anticipent les besoins de succession internationale et utilisent la mobilité comme outil d’attractivité et de fidélisation.
Conclusion — La mobilité internationale comme levier de marque employeur
La mobilité internationale ne se résume plus à l’envoi ponctuel d’expatriés.
Elle devient un pilier stratégique de l’expérience collaborateur et un outil d’attractivité mondiale.
Les DRH qui réussiront à combiner flexibilité, sécurité et sens transformeront cette complexité en avantage compétitif.
Ils seront les véritables architectes d’un monde du travail où les frontières s’effacent, mais où les valeurs humaines demeurent le point d’ancrage.
En somme, l’enjeu n’est plus de savoir où travaillent les collaborateurs, mais comment maintenir le lien, la conformité et la confiance, quel que soit l’endroit du monde où ils choisissent d’exercer leur talent.


